Mon beau tee-shirt vert en bambou
Les bambous c’est zen, c’est oriental, c’est la sagesse, c’est frais. Porter un tee-shirt en bambou, c’est comme avoir WWF tatoué sur le front, et l’âme d’un sage planant au dessus de sa tête. Fascinant.
Alors on les trouve où ces
tee-shirt spirituels et naturels ? Dans ces échoppes bio tenues par des
barbus en sandales sur le Larzac ? Mais non, on en trouve partout !
C’est la tendance du moment, achetons des tee-shirts en bambou pour sauver la
planète. Voilà qui est merveilleux.
Et perturbant. C’est toujours un
peu perturbant pour un écolo qui en a vu d’autres de trouver tout à coup des
tee-shirts écolos qui fleurent bon la méditation zen et le développement
durable dans une grande enseigne ou un catalogue de VPC. Et en effet, c’est
louche.
Il semblerait qu’il existe deux
types de fibres de bambou. D’une part une fibre extraite et traitée
naturellement, utilisée entre autres dans la fabrication de certaines couches
lavables (et encore je doute maintenant).
D’autre part la viscose de
bambou : il s’agit d’utiliser la fibre de bambou, en tant que base pour
fabriquer de la viscose à l’aide de nombreux traitements chimiques et toxiques.
La viscose EST en réalité un produit artificiel et chimique à base d’une fibre
naturelle. Prétendre que c'est un produit écolo revient à prendre une boite de raviolis en sauce au supermarché
et dire que c’est un aliment naturel car le boeuf qui a servi était un vrai
animal ! Le seul « argument écolo » qui puisse tenir est que le
bambou coupé se renouvelle plus vite que le bois traditionnellement utilisé
pour fabriquer la viscose. Mais ça n’en fait certainement pas un tissu plus
écologique que les autres.
Pour vendre un tee-shirt en viscose
de bambou, certains vendeurs mettent en général en avant la plante d’origine
sans préciser la nature de la fibre. Ils proposent tout simplement un
« tee-shirt en bambou naturel », accompagné d’un petit paragraphe rassurant
sur la vertu écologique de la plante (elle pousse toute seule et très vite, n’a
pas de gros besoin en eau, ni pesticides…). Puis ils frisent carrément le
mensonge en déclarant qu’il n’y a pas
d’ajout chimique à la fabrication et finissent par préciser en tout petit, plus
loin, qu’il s’agit de viscose.
D’autres prétendent jouer la
transparence et racontent la saine vie du bambou jusqu’à sa coupe. Ils laissent
l’histoire en suspend et reprennent leur conte à partir du moment où le bambou
est magiquement devenu viscose, en prenant soin de ne surtout pas évoquer le
processus de transformation de la fibre. Et pour cause, ça ruinerait leur image
de produit miraculeusement naturel.
Pour dissiper ses derniers doutes, il faut explorer les sites des fabricants, et se rendre compte qu’aucun ne possède de label écologique/bio pour officialiser leurs belles paroles vertes.
En l’absence de clarté, la réputation écologique de la viscose de bambou court toute seule comme une grande (un peu aidée par la manipulation des vendeurs quand même) et n’est que rarement démentie. Le commerce joue sur l’ambiguïté de l’existence de deux méthodes de fabrication radicalement différentes et nous vend de l’écologie en taille S/M/L. Voilà donc l’arnaque marketing-bio du moment qui joue sur le rabachage (pourtant utile et essentiel) du développement durable pour nous vendre des fausses solutions.
Alors mon beau tee-shirt vert, ça sera plutôt du chanvre, du lin ou du coton bio finalement.